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Au mur, une série d’abstraction, d’images colorées, de déclinaisons d’on ne sait quoi, on perçoit des mouvements ondulatoires, des vibrations, des moirures, des traces sérielles que l’on devine être celles de doigts apposés sur une surface. Des mots que l’on adopte pour parler de peinture affleurent puis on se ravise, il s’agit indéniablement d’explorations photographiques et numériques. On les devine fondamentales.
L’approche intrigante de Victor Berthoud, est fondée sur un rapport au monde très singulier, en connexion intime avec ce que la photographie peut produire d’effets presque magiques sur le réel, mais aussi et je dirais surtout avec l’informatique, l’exploration des flux d’images, du numérique, son univers personnel se trouvant ainsi en quelque sorte médiatisé par les écrans. C’est ce que nous disent ces traces si profondément humaines collectées à leur surface.
Dans Drinking from a hydrant with a straw, il présente quelques extraits de ces vastes expériences, précisément protocolées, avec l’envie de faire de la lumière son principal protagoniste, avec la sensation tenace que ce flux intense et infini aura sans doute toujours raison de lui, qu’il y a quelque chose de l’ordre du mythe de Sisyphe, de l’absurdité dans cette entreprise. Mais comme le dit si bien son titre, elle est avant tout exploration poétique. J’y vois un intérêt pour la mécanique des choses, un humour et un sens de l’expérimentation que l’on pourrait relier à des auteurs comme Marcel Duchamp ou l’artiste pop britannique qui en est l’un des héritiers conceptuels, Richard Hamilton. On se situe dans les fondements de ce qui s’opère entre technologie et poésie, à la quête de tout ce qu’elles peuvent susciter chez les humains.
Entre captation de l’intimité des rapports tissés avec les écrans, enregistrement des flux sans fin d’images qu’il observe sur instagram, analyse visuelle des images publicitaires diffusées sur les réseaux sociaux, entre autres, Victor Berthoud propose une vaste constellation d’images altérées et nous interroge sur notre manière de les envisager, elles qui sont à la fois omniprésentes, parfois appauvries ou addictives … et si essentielles.
Texte par Léonore Veya